17ème Congrès du RIODD
16-18 nov. 2022 Aubervilliers (France)

Programme > Emploi, communs et transitions

Le travail et l’emploi au sein des communs, quels enjeux et quelles évolutions dans la perspective des transitions ?

Jeudi 17 novembre - salle 3.122 (3ème étage, Batiment Sud)

Responsable(s) de la session

Malo Mofakhami, Maître de conférences en sciences économiques (USPN - CEPN CNRS) malo.mofakhami@univ-paris13.fr

Présentation de la session

La session vise à faire dialoguer des travaux qui analysent les évolutions du travail et de l’emploi dans le cadre des transitions (écologique, économique et sociale). Reprenant le postulat selon lequel les communs « pourrait constituer un horizon pour nos sociétés contemporaines du XXIe siècle » et « toucher la quasi-totalité des registres de la vie sociale et environnementale, […] de se décliner de l’échelle micro-locale à l’échelle planétaire » (Michon, 2019), cette session interrogera les cadres institutionnels et les pratiques de travail nécessaires à la réalisation des transitions. Dans cette perspective, les communs dépassent le clivage entre Etat et marché ou public et privé en interrogeant fondamentalement les institutions du travail au-delà des sphères économiques traditionnelles.

Les transitions socio-économiques imposent nécessairement une transformation du travail et de l’emploi (ILO, 2013 ; Perrier et Quirion, 2017). Dans une perspective institutionnelle et évolutionnaire, une transition s’inscrit dans un mouvement de reconfiguration des normes sociales et juridiques permettant de soutenir une modification des attentes, mais aussi des capacités productives (Hodgson, 2010 ; Nelson et Winter, 1982 ; Robert et Yoguel, 2016). 

Dans cette perspective, les travaux et les connaissances portant sur la reconfiguration du travail et de l’emploi sont nécessaires pour relever les défis des transitions. Le travail et l’emploi sont des piliers institutionnels au sein des sociétés modernes capitalistes. La conception dominante du travail articulée aux logiques de marché porte en son sein les concepts fondateurs de l’économie libérale. Les systèmes économiques hérités de l’industrialisation ont renforcé le rôle central de la dualité consommateur – travailleur des individus. Les nombreuses réflexions menées dans le giron des communs (Coriat, 2015 ; Ostrom, 1990) ayant porté sur la dé-privatisation et la dé-marchandisation d’une part de la consommation / production ne se sont que rarement frontalement confrontées à l’épineuse question du travail. 

L’enjeu est majeur, car si les comportements de consommation peuvent évoluer de façon graduelle par la multiplicité des choix et l’évolutions des normes formelle et informelle (un consommateur confronté à de nouveaux cadres institutionnels à la capacité de réadapter son mode de vie), ceux des travailleurs sont confrontés à des problèmes encore plus délicats. La spécialisation approfondie des travailleurs au cœur du système économique moderne rend les travailleurs fortement dépendants du système productif, renforçant l’inertie de celui-ci. Les métiers sont spécialisés et s’inscrivent dans une logique de stabilité des besoins, fondée sur un paradigme sociotechnologique (Ahlborg et al., 2019 ; Voulvoulis et Burgman, 2019). La lenteur des reconfigurations nécessaires pour relever les défis environnementaux peut être attribuée en partie à l’inadaptation des attentes et aspirations des travailleurs aux nouveaux besoins. 

Dans une déclinaison empirique, deux approches se complètent pour penser les métiers de la transition écologique. la première approche est celle sur les métiers des secteurs ou des activités de la transition (DARES, 2017 ; Observatoire national des emplois et des métiers de l’économie verte, 2020a, 2020b). Cette perspective n’est néanmoins pas exempte de contradiction, car les enjeux de transition ne se résume uniquement à soutenir des activités précises du « périmètre de l’économie verte », mais soulèvent également la question de la quantité des métiers dans des activités « traditionnelles » nécessaires pour répondre aux besoins de façon soutenable. Ainsi classer un métier ou un travail comme « adapté » ou non à la transition revient certes à interroger sa finalité, mais nécessite aussi de s’interroger sur son poids relatif dans l’emploi total et des conditions de son exercice. Ainsi, malgré des tentatives de quantification de ces métiers pouvant être qualifiés de "verts" ou de "verdissants" (green jobs), il est difficile d’en établir un périmètre clair. Néanmoins, la question du travail dans la perspective des enjeux de transition ne se limite pas à une mesure des emplois et métiers dits de « la transition ».

Une deuxième approche, non pas opposée, mais complémentaire, se concentre plutôt sur l’utilité sociale et l’enjeu d’un travail visant à la garantie de communs (Cominelli et al., 2021 ; Grouiez et Lamarche, 2017 ; Lamarche et Bodet, 2018). Cette vision adopte une focale plus étroite, en se concentrant sur le travail garantissant la création et la protection de communs. Dans cette perspective les enjeux de travail et d’emploi sont intimement liés aux périmètres des communs et leurs formes de gouvernance. Les questions relatives à la forme de ces emplois (type contrat, organisation et hiérarchie, rémunération, qualité intrinsèque du travail, etc.) et leur adéquation aux exigences sociales et écologiques prennent une importance centrale.

 

En synthèse, cette session se focalisera plus largement sur les questions (1) de l’évolution des compétences des travailleurs dans un paradigme sociotechnique fortement spécialisé, (2) de la qualité des emplois et des rémunérations de ces activités et (3) des contradictions entre le travail et les institutions de l’emploi dans la perspective des communs (normes marché du travail, frontière de la marchandisation et des communs, reconnaissance du travail hors emploi, protection sociale attachée à l’emploi, éducation et formation, etc.).

Cette session vise à faire dialoguer des travaux portant sur les enjeux du travail et de l’emploi dans la perspective des transitions socio-écologiques, en tentant de répondre notamment à des questions portant sur :

  • les nouveaux besoins en compétences et les mécanismes d’adaptation (formation et accompagnement) ;
  • les nouvelles formes d’emploi et de travail (partage du temps de travail, emploi dans des structures de l’ESS, emploi dans des initiatives de gestion des communs, etc.) ;
  • les caractéristiques des emplois et les enjeux d’adéquation entre utilité sociale et qualité du travail, et sur l’évolution des normes et conception du travail dans une perspective des communs (nouvelles institutions du travail en phase avec la gestion des communs : reconnaissance du travail d’utilité sociale, protection sociale et travail, etc.).

Toutes les contributions rejoignant ces thématiques sont les bienvenues, et ce quelles que soient la discipline et les méthodologies utilisées.

Communications

Session 1 - jeudi 17/11 - 11:30 - 13:00 - salle 3.122 (3ème étage, Batiment Sud)

11:30 - 12:00         › Les abattoirs paysans, des communs de travail inédits - Julie Riegel - Pacte, Laboratoire de sciences sociales     
 
12:00 - 12:30         › Quels métiers, formations et emplois pour la transition écologique et sociale ? Une analyse comparée sur deux territoires - Géraldine Rieucau - UPJV et CEET, UPJV     
 
12:30 - 13:00         › Les structures de l'insertion par l'activité économique à l'épreuve de l'évaluation - Samir EL FATOUHI, EL FATOUHI

 

Session 2 - jeudi 17/11 - 14:00 - 15:30  - salle 3.122 (3ème étage, Batiment Sud)

14:00 - 14:30         › Les coulisses du bénévolat : comprendre l'attachement des bénévoles à travers leurs activités quotidiennes - lucie cortambert - ESDES     
 
14:30 - 15:00         › Modèle économique des communs et évaluation de la valeur des contributions - Pierre ROBERT - Centre Lillois d'Études et de Recherches Sociologiques et Économiques - UMR 8019, Sophie Louey - Centre universitaire de recherches sur l'action publique et le politique. Epistémologie et Sciences sociales     
 
15:00 - 15:30         › Reprise du travail post-COVID: L'impact du soutien des besoins fondamentaux - Claude Roussillon Soyer - Claude Roussillon Soyer, Batoul EL MAWLA - EL MAWLA, Françoise Le Deist - Le Deist

 

 

Bibliographie

Ahlborg H., Ruiz-Mercado I., Molander S. et Masera O. (2019), « Bringing Technology into Social-Ecological Systems Research—Motivations for a Socio-Technical-Ecological Systems Approach », Sustainability, vol. 11, n°7, pp. 2009.

Cominelli F., Cornu M., Orsi F. et Rochfeld J. (2021), « Dictionnaire des biens communs », In Situ. Au regard des sciences sociales.

Coriat B. (2015), Le retour des communs: la crise de l’idéologie propriétaire, Paris, Éditions les Liens qui libèrent.

DARES (2017), « Professions de l’économie verte : quelle dynamique d’emploi ? », DARES analyses, DARES analyses, n°006.

European Centre for the Development of Vocational Training (2019), Skills for green jobs European synthesis report.

Grouiez P. et Lamarche T. (2017), « Coopératives de production », pp. 313.

International Labour Office (dir.) (2013), Sustainable development, decent work and green jobs: fifth item on the agenda : International Labour Conference, 102nd Session, 2013, Geneva, International Labour Office.

Lamarche T. et Bodet C. (2018), « Does CSR Contribute to Sustainable Development? What a Régulation Approach Can Tell Us », Review of Radical Political Economics, vol. 50, n°1, pp. 154‑172.

Michon P. (2019), Les biens communs : un modèle alternatif pour habiter nos territoires au XXI siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes.

Observatoire national des emplois et des métiers de l’économie verte (2020a), « Nouveau périmètre des activités de l’économie verte », Document de travail, n°n° 48.

Observatoire national des emplois et des métiers de l’économie verte (2020b), « Révision méthodologique du suivi statistique de l’emploi dans les professions vertes », Document de travail, n°n° 45.

Ostrom E. (1990), Governing the Commons: The Evolution of Institutions for Collective Action, Cambridge University Press, 308 p.

Perrier Q. et Quirion P. (2017), « Is Energy Transition Beneficial to Sectors with High Employment Content? An Input-Output Analysis for France », Revue d’economie politique, vol. 127, n°5, pp. 851‑887.

Voulvoulis N. et Burgman M.A. (2019), « The contrasting roles of science and technology in environmental challenges », Critical Reviews in Environmental Science and Technology, vol. 49, n°12, pp. 1079‑1106.

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