17ème Congrès du RIODD
16-18 nov. 2022 Aubervilliers (France)

Communs, communautés, territoires : quelles voies pour les transitions ?

 

« La question de la soutenabilité n’est pas simple à traiter car nous faisons face à un double péril : l’exploitation abusive des ressources naturelles met en danger l’équilibre du climat et de la biodiversité, et les inégalités croissantes condamnent notre capacité à faire société ». (Eynaud, 2019).

Face à la poursuite de la destruction des écosystèmes et des liens sociaux, nous assistons au déploiement de formes variées d’organisation de l’action collective et de redéfinition des activités productives qui impliquent les communautés de base et les territoires (cf. Coriat, 2020, Slawinski et al 2019).

Qu’elles s’inscrivent dans des petites bourgades ou dans des grandes métropoles, au Nord ou au Sud, ces initiatives collectives, plurielles, ont pour ambition de participer à la construction d’un environnement viable, soutenable. Elles sont porteuses d’innovations organisationnelles et sociotechniques. Elles s’appuient parfois sur l’usage raisonné de nouveaux outils numériques pour étendre la coopération entre acteurs et/ou communautés (Vercher - Chaptal et al., 2021).

Ces initiatives constituent de véritables laboratoires des transitions sociales et environnementales, aptes à concerner la diversité des rapports entre nature et activités humaines que l’on rencontre de par le monde.

Sur le plan conceptuel, le courant des communs, dont une part de ces initiatives de terrain se réclame, peut en fournir une grille de lecture pertinente. Ce courant ouvert par Elinor Ostrom dans les années 1980 s’est attaché à explorer les conditions dans lesquelles des communautés humaines insérées dans différents types d’écosystèmes peuvent à la fois vivre des ressources naturelles qu’elles prélèvent de ces écosystèmes, et veiller à leur reproduction à long terme (Ostrom, 1990) témoignant ainsi d’une préoccupation écologique initiale.

De l’approche d’Ostrom, il ressort l’existence d’une diversité de formes auto-organisées d’action collective, assises sur des arrangements institutionnels susceptibles de produire, sous certaines conditions, une identité propre et une autonomie (Chanteau et Labrousse, 2013 ; Brondizio et Pérez, 2017).

Le courant d’analyse des communs permet de dépasser l’aporie d’un cadre conceptuel uniquement fondé sur l’opposition et/ou la complémentarité́ entre le marché et l’Etat et qui invisibilise un large pan des alternatives observées sur le terrain des transitions. Il permet d’articuler une perspective critique et une attention pragmatique aux expériences émancipatrices (Sousa Santos, 2016). Il a suscité une abondante recherche dans de nombreux champs des sciences sociales (sociologie, droit, économie, géographie, etc.). Et, en pratique, il serait « un mouvement ‘pour ‘, et plus seulement un mouvement ‘contre’ » (Laval, 2016).

Depuis les premiers communs qualifiés de « physiques » ou « fonciers » étudiés par Ostrom, le champ des communs a connu un élargissement dans de multiples directions (cf. Cornu-Volatron, Rochfeld, Orsi 2017). Il a intégré les communs informationnels et numériques d’accès universel et s’est étendu à la recherche sur le vivant et aux créations littéraires et artistiques (creative commons). Il concerne aujourd’hui un grand nombre de domaines (Hess, 2008), intègre la perspective processuelle du commoning (Fournier, 2013 ; Helfrich et Bollier, 2017) et la notion de biens communs, « globaux » ou « mondiaux ». Longtemps limités à des ensembles « naturels » (les fleuves, les océans, l’atmosphère, etc.), les biens communs sont aujourd’hui, dans le cadre des travaux de la commission Rodotà (2016), rattachés aux droits fondamentaux de la personne, ce qui élargit notablement le domaine et l’extension possible de leur déploiement.   En sociologie, notamment, la réflexion des communs a mis l’accent sur le ‘commun’, envisagé comme un principe politique (Dardot et Laval, 2014), tout en reconnaissant que c’est le rapport au vivant et à la planète qu’il est aujourd’hui essentiel de prendre plus largement en compte pour penser une sociologie du commun (David et Le Dévédec, 2016).

A l’occasion de son 17ème congrès, le RIODD souhaite se saisir de la question pluridisciplinaire des communs, des communautés et des territoires pour explorer les voies vers les transitions qu’appellent les crises (écologique, économique, sociale) actuelles.  

Cette thématique s’inscrit dans les champs d’expertise du CEPN qui portera l’organisation du congrès. Elle fait écho au programme Crises & Transitions du laboratoire et aux travaux sur les communs qui y sont menés depuis plusieurs années. Elle s’inscrit plus largement dans le champ de la Structure Fédérative sur les Communs de l’Université Sorbonne Paris Nord. 

Le CEPN bénéficiera pour l’organisation du congrès RIODD de l’appui de deux partenaires externes : l’IAE de Paris et la Chaire partenariale Comptabilité Écologique.

Le rapprochement entre le champ des communs et celui des transitions soulève des questionnements multiples et implique différents niveaux d’analyse.

Ces questionnements peuvent, notamment, concerner :

- les relations entre les communs et l’acteur public, notamment territorial :

les collectivités territoriales, si elles sont parfois à l’origine de la dégradation de l’environnement,4 peuvent aussi participer à l’habilitation et à la consolidation des initiatives mises en œuvre par des communautés dans les domaines classiquement reconnus pour définir les politiques de transition qu’elles doivent mener sur leur territoire, à savoir celui des transports, des habitations, des sources d’énergie renouvelables, de la qualité de l’eau, de l’alimentation, etc.
Quelles formes de partenariats communs - collectivités locales peut-on envisager au profit des transitions ? Le rapprochement entre communs et acteurs publics peut-il participer à lier transition socio- environnementale et transition démocratique, sous quelles conditions ?

- l’échelle des communs et les problématiques de gouvernance :

Dans ses premiers travaux sur les communs fonciers, Ostrom pointe la nécessité de s’appuyer sur de petits collectifs. La petite taille des collectifs facilite la délibération et le respect des règles, et favorise la vigilance que chacun peut exercer à leurs endroits.

La question des transitions environnementales concerne les ressources de grande dimension (les mers, les océans, l’atmosphère, le climat, etc.) qui s’adressent au grand nombre. Leur constitution en « communs » pose donc la question des solutions qui peuvent être proposées pour assurer leur gouvernance (cf. Coriat 2021 ; Frozel Barros 2019 ; Tordjman, 2021).
Le constat d’un accroissement des pressions sur les milieux naturels et la biodiversité malgré la multiplication des cadres normatifs et de gouvernance à l’échelle nationale et internationale, montre la nécessité d’engager et de coordonner des actions à d’autres échelles, notamment au niveau local.
C’est bien pour sortir de l’impasse d’une gestion centralisée appliquée à un problème d’action collective multi-acteurs qu’Ostrom a proposé dans ses derniers travaux un schéma de gouvernance polycentrique, consistant à articuler plusieurs niveaux de gouvernance situés en autant de lieux que nécessaire et reliés entre eux.
Quels modes de gouvernance susceptibles d’intégrer et de combiner une pluralité de niveaux et de lieux de coordination de l’action collective peut-on envisager pour gérer les transitions ? Comment peuvent-ils se mettre en place ?

les dispositifs concrets adaptés à une gestion en commun(s) des transitions socio-environnementales:

Il est reconnu que la question des transitions, tout particulièrement pour la protection des écosystèmes, se joue à un niveau inter-organisationnel. Il se pose alors la question des dispositifs institutionnels et des outils de gestion qu’il s’agit de développer, spécifiquement adaptés à l’hétérogénéité des problèmes d’action et de décisions collectives auxquels les acteurs doivent faire face pour obtenir des résultats tangibles en matière de performances environnementales (Mermet, 2018 ; Barbier et al., 2020).

Cette réflexion est notamment menée sur le terrain des outils comptables, via les travaux récents en « comptabilité de gestion écosystème-centrée » qui s’intéressent à la gouvernance collective, inter- organisationnelle, de la biodiversité (Feger et Mermet, 2017, 2021 ; Feger et al., 2021). Ces nouveaux systèmes de comptes écologiques, centrés sur les périmètres des socio-écosystèmes, visent à appuyer la négociation, la structuration et la gestion des engagements entre acteurs autour des problèmes d’environnement.
Sur le plan des dispositifs institutionnels, citons notamment l’innovation qu’a représenté le statut de SCIC (société coopérative d’intérêt collectif). Créé en 2001 pour favoriser la production ou la fourniture de biens et de services d’intérêt collectif présentant un caractère d’utilité sociale, ce statut facilite la représentation et la participation d’une diversité de partie-prenantes et la construction de coopérations ouvertes sur les territoires.
En quoi et jusqu’où de nouveaux dispositifs comme ceux-ci peuvent-ils servir d’outils dialogiques et de médiation entre des acteurs portant des perspectives contrastées, souvent opposées, quant à l’avenir des territoires ? Jusqu’où peuvent-ils accompagner l’émergence de modes de gouvernance en commun, et aider les acteurs de la transition à rester attentifs aux tensions susceptibles d’exister entre l’exigence de réalisation d’objectifs de préservation écologique et la prise en compte des enjeux de justice environnementale et sociale ? Comment peuvent-ils permettre in fine aux acteurs publics et/ou privés de s’investir dans ces nouvelles gestions en commun tout en préservant la dynamique délibérative, caractéristique des communs, et nécessaire pour l’explicitation de l’intérêt général et sa défense face aux intérêts particuliers ?

Le congrès du RIODD se veut pluridisciplinaire. Toute recherche dans les champs des sciences humaines et sociales, des sciences de l’ingénieur et du vivant sera considérée avec intérêt.

 

  

 

 

 

 

 

 

 
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